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Déjà un compte ? Connectez-vous iciSpéculateurs : pourquoi ils sont nécessaires à la bourse
21 novembre 2013 / Sylvain March / Dernière mise à jour : 8 décembre 2020
Le débat sur la nécessité ou la nocivité de la spéculation est historique : il existe depuis toujours.
Bouc émissaire favori des politiciens de droite comme de gauche, crucifié par les médias, « spéculateur » est devenu dans le langage courant ni plus ni moins qu’une insulte.
Est-ce vraiment justifié ? Pas sûr. Voyons pourquoi :
Rappel : définition de la spéculation
Déjà, revenir aux fondamentaux : la spéculation c’est quoi ?
Selon wikipedia : « La spéculation est, en économie, l’action de prévoir les évolutions des marchés et d’y effectuer des opérations d’achat et de vente en conséquence, de façon à retirer des bénéfices du seul fait des évolutions des marchés. »
Autrement dit, toute transaction boursière qui n’implique pas l’acquisition de dividendes (actions) ou de coupons (obligation) est de la spéculation !
Pas besoin d’être un scalpeur fou, ou un hedge fund algorithmique : si vous achetez pour revendre plusieurs mois plus tard, vous êtes un spéculateur.
Alors êtes-vous prêts à assumer d’être le « méchant de l’histoire », celui sur lequel on va faire reposer la responsabilité de toutes difficultés économiques et sociales du monde ?
Si c’est le cas, voici quelques arguments qui vous aideront à décharger votre fardeau, et expliquer les choses à vos détracteurs 😉
Le spéculateur responsable de tous les maux : mythe et réalité
Lorsque les cours baissent :
– Mythe n°1 : le spéculateur est responsable de la chute des prix car il vend dans les contextes difficiles, amplifiant la chute.
– Réalité : en fait tout le monde vend, pas que lui. Mais seul lui est désigné…
– Mythe n°2 : la société concernée se retrouve alors en difficulté, à cause de la chute de son titre. Elle est obligée de licencier. Le spéculateur crée donc du chômage.
– Réalité : si les spéculateurs (et les autres) vendent, c’est que la société allait mal. Dans 95% des cas la direction moyen terme d’un titre est appuyée par des fondamentaux.
Le licenciement est donc inéluctable de toutes façons. Cette situation peut même forcer la société à prendre les mesures plus rapidement, et donc augmenter ses chances de survies sur le long terme !
Lorsque les cours montent :
– Mythe n°1 : le spéculateur est responsable de la flambée de prix et des bulles. Il est fiévreux et achète quand tout le monde achète sans vérifier les fondamentaux.
– Réalité : les spéculateurs sont des anticipateurs. Ils peuvent être à l’origine d’un mouvement haussier, mais ne sont plus en position quand les prix deviennent fous. Au contraire, ils se préparent alors à vendre pour effectuer un retour à la moyenne. Leur but est de gagner de l’argent, pas d’en perdre.
Pour expliquer cela, voici l’avis de Miltron Friedman, un des plus grands économistes du XXème siècle, sur la question :
« People who argue that speculation is destabilizing seldom realize that this is largely equivalent to saying that speculators lose money, since speculation can be destabilizing in general only if speculators on the average sell when the currency (commodity) is low in price and buy when it is high. »
~Milton Friedman, Essays in Positive Economics (p. 175)
Traduction : « Les gens qui avancent que la spéculation déstabilise l’économie réalisent rarement que dire cela équivaut à dire que les spéculateurs perdent de l’argent. En effet la spéculation ne peut être déstabilisatrice que si les spéculateurs vendent en masse quand les prix sont bas, et achètent en masse quand les prix sont hauts. »
En d’autres mots, les spéculateurs déstabilisants perdent de l’argent, et donc sont régulièrement évacués du marché faute d’être rentables. Seuls restent ceux qui pratiquent le retour à la moyenne, et par conséquent aident à stabiliser le marché (acheter quand les prix sont bas, et vendre quand les prix sont hauts).
Le rôle des spéculateurs
Les spéculateurs ont une utilité vitale au fonctionnement des marchés modernes : c’est celui de fournir de la liquidité.
S’il n’y avait que des investisseurs sur le marché, les vendeurs proposeraient toujours le prix le plus élevé possible, et les acheteurs le plus bas possible.
La différence entre le prix moyen offert et le prix moyen demandé (le spread) serait en permanence très importante, et très peu de transactions pourraient se faire.
Les spéculateurs intercalent des offres intermédiaires et apportent donc de la liquidité au marché.
Pour résumer, pour qu’un investisseur puisse se fournir à un prix acceptable, ou au contraire se couvrir contre la hausse des cours, il faut qu’il y ait en face de lui un spéculateur qui lui, parie sur la baisse des cours.
Limites de la spéculation :
La spéculation le monde de oui-oui ? Je ne dirais pas cela.
Le 16 septembre 1992, Georges Soros, avec l’aide d’une bande de gros investisseurs, vendit à découvert pour 10 milliards de livres sterling, provoquant une déflation de la monnaie telle, que la banque d’Angleterre fut contrainte de sortir en catastrophe du système monétaire européen.
La spéculation pour réaliser un profit sur le décalage d’un cours, c’est une chose, la spéculation comme outil de braquage en bande organisée en est une autre, qui doit être contrôlée et punie.
Il faut donc réglementer certains aspects de la spéculation, mais aussi ajuster au fur et à mesure que des « brèches » sont détectées :
Car s’ils en trouvent, les spéculateurs s’y engouffreront.
Ce n’est pas mal, c’est juste naturel : si un renard arrive à rentrer dans un poulailler, il va tuer toutes les volailles, sans comprendre l’effet néfaste qu’il vient de produire.
Le renard est-il mauvais ? Non. Il faut juste réparer la clôture, et laisser le renard jouer son rôle à l’extérieur dans l’écosystème de la forêt.
Et vous que pensez-vous de la spéculation ?
Vous pouvez m’en parler dans les commentaires en dessous.
13 COMMENTAIRES
Il faudrait juste remplacer SPECULATION par « PECUNIATION » du latin: Nom commun. Richesse, propriété, bien. Argent, monnaie. pecunias civitatibus distribuere.
🙂
Haha, pourquoi pas. Merci pour ce commentaire très instructif 👍
Bonsoir Sylvain,
Merci pour ce brillant exposé, je conteste plus ton image avec le renard (lol). la deconnexion entre l’adéquation de la valeur d’une action et l’état de santé de l’entreprise est comme le prix d’une maison. Lorsque vous achetez une maison qui a 30 ans, quel est le coût reel de la construction dans le prix que vous payez. Nombre d’entre-eux spéculent sans payer 1€ d’impôt car résidence principale alors que le trader participe à l’économie en payant des impôts tandis que pas l’autre. Finalement les « salauds » ne sont pas toujours là ou on les attend.
Sébastien
J’aurais pu choisir un loup (analogie d’ailleurs très largement utilisé en bourse), mais j’aime bien l’idée du renard 😉
Pour le reste, je suis d’accord : c’est assez facile d’avoir des préjugés sur les spéculateurs, alors que ceux qui font vraiment du mal à l’économie ne sont pas toujours ceux que auquel on pense…
Un sujet qui est à méditer en effet! Quand on sait ce qu’une spéculation malheureuse peut avoir comme conséquence, il y a de quoi faire réfléchir et les « braqueurs » s’organisent bien là-dessus malheureusement.
Super article Sylvain!
Pour le mythe 1 pendant une hausse, l’investisseur « buy & hold » ne vendra pas lui. Seul le spéculateur le fera. Donc le spéculateur amplifiera la chute, pas l’investisseur long terme.
Pour le mythe 2 pendant une hausse, le reproche généralement fait est que le cours est précipité à la baisse alors qu’il n’y a plus de corrélation directe avec les fondamentaux de l’entreprise. Une entreprise qui fait des bénéfices, dont le cours est attaqué à la baisse et qui délocalise, ça dérange.
Mais pour rejoindre les commentaires au-dessus: pas de spéculation, pas de marché secondaire pour la « revente d’occasion »… et donc pas de marché primaire pour « l’achat du neuf » ou la levée de capitaux pour financer les développements.
Ben
Bonjour Ben,
tu trouves mon articles super mais tu le contredit presque entièrement 🙂
Pour le 1: seul le spéculateur vend pendant les baisses ? Certainement pas : la plupart des buy and hold craquent et vendent ! Sinon un cours ne pourrait pas s’effondrer aussi radicalement.
De plus les buy and hold et les spéculateurs ne constituent pas 100% des acteurs, il yen a bien 50% qui sont entre les deux en termes de stratégie.
Pour le 2 : pendant une hausse, les spéculateurs rentables achètent. Ils ne vendent que si cette hausse devient une bulle, donc déconnectée des fondamentaux : c’est ce qu’on appelle le retour à a moyenne. Le problème c’est que les corrections vont au delà de ce qui est nécessaire, a cause de l’effet d’inertie des suiveurs à la traîne.
J’ajouterais que si une entreprise craint le comportement des marchés, elle n’est pas obligée de s’introduire en bourse, et peut se financer dans le privé.
Bonjour, Tu veux parler des FCPI (fonds commun de placement à l’innovation) dans ton dernier propos?
C’est noté 🙂 Ma rédactrice financière va s’en charger (ce sera sa première publication !)
Salut Sylvain,
Ah désolé si tu as eu l’impression que je contredisais presque entièrement l’article. Ce n’était pas mon intention.
Je trouve que ton article abordait plutôt bien un sujet assez polémique en général.
Les « buy & hold » qui craquent quand les cours baissent sont vraiment pas des « buy & hold » alors… 🙂
Ben
En fait, le fait de spéculer en bourse est un métier comme un autre, mais ici, le risque est un peu plus élevé par rapport à diriger une entreprise par exemple. Pour spéculer, il faut quelqu’un qui s’y connaît.
Tout à fait d’accord !
Si on extrapole un peu, on peut dire qu’un spéculateur ne fait rien de plus qu’un commerçant, l’activité se résume à acheter des produits en vue de les revendre à un prix supérieur. Le premier apporte à la société un service en qualité de distributeur, quand l’autre apporte de la liquidité et du financement pour accompagner le développement des entreprises.
Schématiquement, la spéculation, c’est l’huile qui permet de faire tourner les engrenages du système. Sans spéculateur, c’est une partie du système de financement qui serait grippée.
Oui, c’est marrant car vendredi soir j’étais au restaurant avec un gars qui me faisait la leçon moralement sur la bourse.
Quand je lui ai demandé ce qu’il faisait dans la vie, il m’a dit qu’il était négociant en vin. Cela m’a fait beaucoup rire car il ne comprenait même pas qu’il était lui aussi un spéculateur !